Artograf | Des outils à ne pas mettre entre toutes les mains…
16373
post-template-default,single,single-post,postid-16373,single-format-standard,ajax_fade,page_not_loaded,,side_area_uncovered_from_content,qode-child-theme-ver-1.0.0,qode-theme-ver-17.2,qode-theme-bridge,disabled_footer_bottom,qode_header_in_grid,wpb-js-composer js-comp-ver-5.6,vc_responsive
 

Des outils à ne pas mettre entre toutes les mains…

Des outils à ne pas mettre entre toutes les mains…

Quand on vous dit que votre correcteur automatique est très bête… Si vous avez encore des doutes à ce sujet, voici quelques preuves plutôt gratinées de ce que bien des professionnels énoncent sans relâche depuis des années. Pour en avoir le cœur net et étayer mes (leurs) dires, j’ai soumis à un test un « correcticiel » automatique dont la réputation n’est pourtant plus à faire. Enfin, c’est ce que clame haut et fort la société qui le vend…

Le logiciel soumis au test est a priori réputé pour son efficacité. Il est d’ailleurs utilisé à des fins d’aide ponctuelle, en théorie tout au moins, par les correcteurs professionnels eux-mêmes, notamment pour passer un petit « coup de balai » final et revoir les corrections typo en bloc. L’ennuyeux avec ce logiciel, c’est que l’on en conseille l’usage dans les écoles ! C’est sans doute là que le bât blesse le plus.

 

Par pure convention, j’appellerai l’engin « C. », comme « correcticiel »…  « C. » comme « couillon » aussi. Oups !

Loin de moi l’idée de mettre en doute la capacité de discernement de mes confrères et consœurs et de la plupart des gens de plume qui, selon toute vraisemblance, comme je l’ai fait, éclatent de rire à la vue des grosses sottises énoncées par C. En ce qui nous concerne, cela ne constitue pas un souci et elles ont au moins le mérite de mettre un brin de bonne humeur dans nos cassetins où nous nous sentons parfois bien seuls.

Voici quelques exemples extraits d’un premier test effectué sur quelques pages d’un guide touristique. J’ai sélectionné uniquement les âneries les plus « gratinées » qu’a énoncées le correcteur automatique en question, mais il y en avait hélas bien d’autres, et non des moindres !

Il va sans dire que le logiciel de correction testé est allègrement passé sur plusieurs grosses fautes sans même broncher. L’œil du professionnel, quand bien même serait-il lui aussi fort imparfait, veillait fort heureusement au grain…

 

————– Le test ————–

En premier lieu, je citerai la phrase telle que l’auteur l’a écrite, suivie de la suggestion du logiciel de correction et de mon commentaire.

 

Dans un guide touristique :

• « Selon une jolie légende, Vénus, sortant des eaux, fit tomber sept pierres précieuses de son diadème dans la mer, donnant naissance aux sept îles de l’archipel. »

(Suggestion du correcteur automatique : Pluriel – Firent s’accorde en nombre avec pierres.)

Ici, C. suggère d’écrire « firent » pour accorder le verbe non pas avec le sujet « Vénus », mais bel et bien avec le complément « sept pierres précieuses »… Allons bon ! Elle n’est pas mal celle-là !

 

• « Dans certaines de leurs anfractuosités, des restes témoignant de la présence de l’homme à la période du paléolithique et du néolithique ainsi que des traces d’ours des cavernes ont été retrouvés. »

(Suggestion du correcteur automatique : Féminin – Retrouvées, participe passé employé avec « être », s’accorde avec son sujet, des traces.)

C. nous souffle « retrouvées », au féminin pluriel. Or, il y a bel et bien deux sujets, un masculin (les restes) et un féminin (les traces). À moins qu’il y ait eu un heureux changement dans la règle sexiste qui nous a été enseignée à l’école primaire, l’accord fait par l’auteur est correct. Le correcteur automatique « a tout faux »…

 

• « Des portes de bronze, fondues en 1602, d’après des projets de Jean Bologne, ont remplacé celles d’origine détruites par un incendie à la fin du XVIe siècle. »

Comme nous commençons à nous y attendre, C. se trompe à nouveau en essayant de nous faire accorder le participe « détruite » au féminin singulier, car il le relie à un « hypothétique sujet » qui ne l’est pas, à savoir le mot « origine ». Encore une fois, c’est n’importe quoi !

 

• « Les navires sillonnent la Méditerranée, emportant vers l’Orient armes, laine, fourrures, cuirs, bois provenant des Apennins et fer extrait des mines de l’île d’Elbe. »

(Suggestion du correcteur automatique : Pluriel – Extraient s’accorde en nombre avec bois… et fer.)

Mais bien sûr ! Ici, C. fait fort tout de même ! Voilà qu’il demande l’accord verbal « extraient » avec les prétendus sujets « bois » et « fer »… Comme chacun le sait, le bois et le fer sont embauchés dans les mines pour extraire nous ne savons quoi et les mineurs sont probablement jetés au Pôle emploi. À la bonne heure !

 

• « L’église du XIIe siècle fut plusieurs fois remaniée et sa façade jamais achevée. »

(Suggestion du correcteur automatique : Graphie traditionnelle – Fut [sans accent circonflexe] est la graphie recommandée par les rectifications de l’orthographe. Or, vos réglages requièrent la graphie traditionnelle : fûts. Pluriel – Fûts doit être au pluriel puisqu’il y en a 1 194.)

Celle-là, c’est bien la meilleure ! 1 194 fûts ! Faute d’en avoir un seul sous la main, je me suis tout de même bien « bidonnée ».

Dans le genre « toujours plus fort dans la bêtise du meilleur cru », C., qui a certainement quelque peu puisé sa science au fond de je ne sais quel tonneau, essaie donc de nous imposer le substantif « fûts » au pluriel alors qu’il s’agit, bien évidemment, du verbe être au passé simple.

 

• « Ce promontoire entouré d’une lagune, aujourd’hui réserve naturelle, est devenu un des lieux de villégiature préféré (sic) des touristes. »

(Suggestion du correcteur automatique : Féminin – Préférée et villégiature doivent être du même genre et du même nombre.)

Encore mieux ! Effectivement, il y a une très grosse faute dans la phrase, mais pas celle que C. nous indique… Tout correcteur humain vous dira qu’il faut bien sûr accorder « préféré » avec « lieux », donc « préférés », au masculin pluriel. Le « correcticiel », qui décidément ne recule devant aucune bêtise, nous dit qu’il faut l’accorder au féminin singulier avec « villégiature »… C. a sans doute besoin de vacances lui aussi !

 

Passons à d’autres types de textes, un commentaire sportif et un roman.

 

• « Les pouliches ont toutes deux été dirigées vers le Prix Cambacérès. »

Remarquons au passage que la phrase est très courte, juste et sans ambiguïté aucune.

(Suggestions du correcteur automatique : Pluriel – Étés doit être au pluriel puisqu’il y en a deux. – Dirigé – Masc. sing. – Dirigé, participe passé employé avec « avoir », s’accorde avec son complément direct tout, placé devant.)

Ben voyons ! J’aurais bien envie de monter sur mes grands chevaux , mais c’est à en pleurer. J’éclate de rire… jaune.

 

• Dans un roman dont je viens de terminer la énième correction, probablement « nettoyé » par un « corrigeur » à grands coups de correcteur automatique (pour je ne sais quel tarif ; mais ça, c’est une autre histoire…), il restait des dizaines de fautes, et non des moindres, ainsi que de lourds contresens sur lesquels la plupart des correcteurs automatiques, dont C., passent sans sourciller. En voici deux qui me reviennent en mémoire : « il déverrouilla le haillon arrière » ou encore : « – Quand penses-tu ? »… Si, si, je vous le jure, pour un peu cela aurait été imprimé ainsi.

J’ai bien failli en tomber à la renverse. Mes institutrices, mes profs de français et mon maître d’apprentissage ont dû se retourner trois fois dans leurs tombes.

 

• Toujours dans le même ouvrage, quand il s’est trouvé face à un accord de participe passé ambigu : « la fortune que m’a coûté sa libération », notre brave C., prenant visiblement ce qui est un complément circonstanciel pour un complément d’objet direct, a même très lourdement insisté pour essayer de me faire hésiter et m’inciter à ajouter une belle faute.

Et dire qu’il y a des éditeurs de logiciels qui gagnent impunément de l’argent à la pelle en vendant à grand renfort de publicité mensongère des « engins » tels que celui-là et en basant leur stratégie commerciale et leur succès financier sur l’exploitation des petites et grosses lacunes des gens !

C.Q.F.D.

 

Je vous fais grâce du reste de mes constatations ! Sachez simplement que j’aurais pu continuer à « m’amuser » de la sorte pendant des heures.

 

Dans tout mal il y a un bien. Hourra !

Ce petit test se révèle tout de même extrêmement rassurant en ce qui concerne les capacités cognitives d’Homo sapiens, qui sont toujours, à l’évidence, très largement supérieures à celles de la machine. Avouez tout de même que c’est heureux et rassurant !

 

Quand on n’a que des bêtises à dire, mieux vaut la fermer…

Il va de soi que je n’espérais pas d’inouïes prouesses de ce renommé correcteur automatique dont la presse, et non la moindre, vante pourtant les mérites ; un peu trop, probablement. Toutefois, je ne demandais pas tant de preuves de l’inefficacité des correcteurs automatiques pour étayer mon propos. Certes, je m’attendais à lire quelques belles bêtises, mais tout de même pas aussi énormes que celles que j’ai rencontrées. De toute évidence, j’ai été plus copieusement servie que je ne l’avais imaginé.

Comme le dit l’adage, le mieux est l’ennemi du bien. Au vu de l’échec patent de C., je me suis demandé quel aurait été le résultat si j’avais utilisé des logiciels de correction moins réputés ! Peut-être, compte tenu de leur presque totale inefficacité, des « correcticiels » – qui ont au moins la qualité d’être gratuits, ce qui n’est pas le cas de C. – n’auraient-ils probablement rien signalé du tout. Tout bien réfléchi, n’est-il pas mieux de ne rien signaler plutôt que d’énoncer n’importe quoi et d’induire carrément les gens en erreur ? En l’occurrence et tout bien considéré, cela aurait été un moindre mal.

 

De grâce, un correcteur automatique n’est pas un professeur des écoles de substitution pour nos enfants !

Quels seraient, en effet, les désastres qu’engendrerait l’utilisation d’un tel « outil » si nous le mettions, en toute bonne foi, entre les mains de personnes inexpérimentées, a fortiori celles qui auraient le plus besoin de l’aide d’un correcteur. J’entends par là des non-professionnels tels que des enfants et des adolescents, des étrangers apprenant le français, des personnes dyslexiques, voire des adultes quelque peu dysorthographiques ayant acheté ce logiciel dans le secret espoir de pallier toutes leurs grosses lacunes d’ordre grammatical (il y a hélas d’excellents auteurs se trouvant dans ce fâcheux cas, ce qui n’enlève rien à la qualité de leur écriture).

Or c’est bien là que le bât blesse le plus. En effet, il faut avoir pleinement conscience de la médiocrité et des réelles limites de ce type d’outil, et savoir s’en servir à bon escient, avec discernement.

Quant à tous ceux qui auront acheté cet outil en comptant sur celui-ci pour leur signaler toutes leurs erreurs, lui accordant une confiance aveugle, ils auront tout bonnement dépensé de l’argent en pure perte, mais s’en rendront-ils seulement compte ?

 

Sachons raison garder et remettre les machines à leur place

Un logiciel est un « objet », par essence dénué de pensée… (ouf, nous voilà soulagés sur un point !)

Nous connaissons tous, hélas, le coup de « c’est l’ordinateur qui s’est trompé » derrière lequel nombre de personnes se cachent quand elles sont prises en faute, ce qui, d’ordinaire, nous fait bien sourire.

En matière de correcteurs automatiques, c’est la même chose. Seule, la machine n’est rien, cela va de soi.

Aussi étrange et paradoxal que cela puisse vous paraître et contrairement à ce qui est annoncé à grand renfort de publicité, pour se servir vraiment sans risque d’un correcteur automatique, eh bien… il faut que l’utilisateur soit lui-même correcteur ou qu’il ait tout au moins de solides connaissances orthographiques et grammaticales !

Prenons donc les logiciels de correction, même les « meilleurs », pour ce qu’ils sont : de simples outils (presque) parfaits pour détecter les fautes d’orthographe d’usage et de typographie basique, voire de banales fautes de frappe. Ils sont également dignes d’intérêt quand il s’agit d’uniformiser la présentation typographique de tel ou tel mot, mettre des espaces insécables là où il en faut, aider à rendre uniforme l’orthographe d’un mot dans un ouvrage (clé/clef par exemple). Mais, de grâce, n’en espérons pas les prouesses dont seuls la pensée, la faculté de discernement et le savoir humains sont capables !
Bien évidemment, tout travail sérieux – parce que la correction en est un ! – a un coût. L’intervention d’un correcteur humain digne de ce nom vous coûtera probablement plus cher que les quelque 100 €, et parfois bien davantage, que vous auriez fort imprudemment investis dans l’achat d’un simple outil. Mais gageons qu’elle sera autrement plus efficace. En effet, à condition de choisir un professionnel rigoureux, honnête et renommé, vous en aurez pour votre argent et serez même souvent étonné par la richesse et la qualité de ses interventions qui ne se limitent pas à la simple correction orthotypographique.

 
Pas de commentaire

Poster une réponse à Anonyme Annuler réponse